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25/11/2010

(Pilote UK) Accused : un crime drama réduit à sa plus sobre expression


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Spooks
à peine terminée, depuis le 15 novembre 2010, les lundis soirs de BBC1 sont désormais occupés par un crime drama, signé Jimmy McGovern : Accused. Cette série a la particularité de présenter des histoires indépendantes, chaque épisode se concentrant sur un personnage différent. Le nom du scénariste, auquel s'ajoutait un casting très alléchant, suffisait à aiguiser l'intérêt et la curiosité d'un téléspectateur quand même très intrigué, d'autant que visionner le pilote n'engageait pas sur toute la série. Et puis, Accused a aussi fait parler d'elle ces derniers jours en Angleterre à cause d'une controverse née autour de son deuxième épisode et de son traitement de l'armée.

Pour ce premier épisode, j'avoue sans peine que la présence de Christopher Eccleston ne fut pas étrangère à mon visionnage. De la même façon que j'aurais bien envie d'aller jeter un oeil aux épisodes où apparaîtront Peter Capaldi ou encore Warren Brown. Pour autant, le pilote d'Accused n'aura su que modérément me convaincre, proposant une histoire relativement solide, sous un angle narratif assez original, mais en échouant à réellement s'affranchir des codes du genre.

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Chaque épisode d'Accused s'ouvre au moment où le tribunal s'apprête à rendre son verdict, le prévenu montant les marches qui le conduisent jusqu'au banc des accusés. Sans autre information, le téléspectateur découvre dans ces premières images les protagonistes de l'histoire qui s'apprête à lui être racontée. Puis, le récit enchaîne sur un flashback, remontant le temps pour revenir au moment où tout a débuté, à cette journée où tout a commencé à déraper, pour conduire presque inéluctablement à la commission de l'infraction pénale dont le personnage principal du jour est accusé. Le laissant ainsi suspendu à son sort, attendant que soit prononcé son acquittement/relaxe ou sa condamnation, l'épisode va nous relater, sans parti pris, les faits tels qu'ils se sont réellement produits. En somme, la narration d'Accused se résume en deux points : l'infraction et le verdict, accompagné éventuellement de la sanction. Le crime drama réduit à sa plus sobre expression.

Ce premier épisode va ainsi nous raconter l'histoire de Willy Houlihan. Comment ce plombier, père de famille marié depuis 25 ans, menant en apparence une vie rangée, a-t-il pu se retrouver sur le banc des accusés, à attendre stoïquement sa sentence ? Sans plus d'indice, le téléspectateur est invité à découvrir l'engrenage des évènements et décisions qui vont le mener à cette première scène de l'épisode.

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L'atout principal d'Accused réside incontestablement dans le concept narratif que la série choisit de suivre, nous présentant le prévenu à la fin de son procès pour ensuite nous conter ses dernières actions qui l'auront mené devant ce tribunal. Cet angle d'attaque original fournit à la fiction une relative originalité qu'elle va s'attacher à pleinement exploiter. En effet, tranchant avec le modèle traditionnel, le suspense ici ne réside pas dans la question de savoir qui a commis le crime, mais dans le fait de découvrir de quel crime il s'agit. "Quels sont donc les faits de l'espèce ?", voici la question qui résonne de façon presque obsessionnelle dans la tête du téléspectateur pendant la majeure partie de l'épisode.

Avec beaucoup d'habileté, la série mise sur un suggestif des plus accrocheurs. Tout au long des deux premiers tiers de l'épisode, on se perd en conjectures, concluant fatalement au pire dès que Willy se retrouve dans une situation ambiguë, imaginant y voir telle ou telle indication sur ce que le futur lui réserve, alors que le personnage s'enfonce peu à peu dans des problèmes domestiques et financiers rapidement inextricables. L'imagination fertile, prompte à toutes les extrapolations, le téléspectateur se prend facilement à ce jeu scénaristique, au final presque plus piquant qu'un crime drama à la narration traditionnelle.

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Cependant, après avoir si bien stimulé notre inventivité et encouragé à suivre mille et une (fausses) pistes, Accused se rabât, au final, de façon assez frustrante, sur des sentiers très balisés, proposant un dernier tiers somme toute excessivement classique. Cela donne un peu l'impression d'avoir beaucoup promis pour n'offrir qu'une conclusion à la prise de risque minimale, où tout rentre dans l'ordre en s'achevant sur une sortie d'un classicisme soudain trop abrupt pour le téléspectateur.

Il y a un contraste assez déconcertant, un peu déstabilisant, entre l'ambition affichée initialement et la manière dont l'histoire se termine, comme si la fiction avait soudain été trop timorée pour réellement s'affranchir des codes narratifs attachés à ce genre. Si bien que sans remettre en cause les spécificités qui ont séduit lors de la première partie de la narration, cela laisse cependant comme un arrière-goût d'inachevé. Une sorte d'essai non transformé. 

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Sur la forme, Accused présente une réalisation aboutie, plutôt soignée, mais qui ne marque pas particulièrement hormis par quelques plans plus inspirés. Elle se situe globalement dans le standing habituel (plutôt élevé, donc) de la chaîne.

Enfin, comme je l'ai déjà souligné, une partie de l'intérêt de la série - et sans doute beaucoup de la curiosité qu'elle peut susciter a priori - réside dans son casting. Si ce premier épisode se concentrait sur le toujours excellent Christopher Eccleston (Doctor Who), que je retrouve chaque fois avec beaucoup de plaisir dans mon petit écran, la suite offre des noms également très alléchants, comptant parmi les valeurs sûres de la télévision d'outre-Manche. Devraient ainsi apparaître Mackenzie Crook (The Office UK), Juliet Stevenson, Peter Capaldi (The Thick of It), Marc Warren (State of Play, Hustle), Naomie Harris (The Tomorrow People), Warren Brown (Dead Set, Luther, Single Father), ou encore Ben Smith. Au final, quelques bonnes raisons de vérifier si la série saura faire preuve de plus d'ambitions !

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Bilan : Avec sa structure narrative qui recentre l'enjeu de l'épisode sur l'infraction pénale qui sera commise et non sur le coupable, Accused s'impose comme un crime drama intrigant, qui tranche avec les codes traditionnels du genre. Mais si le téléspectateur se prend aisément à ce jeu scénaristique qui mise beaucoup sur le suggestif, Accused échoue à mener jusqu'au bout cet essai. Manquant de témérité dans sa conclusion, elle retombe alors sur des sentiers très balisés pour finalement abandonner l'expérimental et renouer avec le classique judiciaire. Si on se dit alors qu'on aurait pu légitimement en attendre un peu plus, cela n'enlève rien à ce pilote qui permet quand même de passer une heure prenante devant son petit écran. A défaut de vraiment révolutionner le genre, Accused s'avère solide. Son casting devrait achever de convaincre les derniers récalcitrants.    


NOTE : 6/10


La bande-annonce de la série :

22/12/2009

(UK) The Thick of It : une satire politique moderne incontournable


Ce billet du jour pourrait faire office de suite à la note consacrée, il y a quelques semaines, à l'excellente Yes Minister / Yes Prime Minister. En effet, si la politique a toujours exercé un attrait certain chez les scénaristes britanniques, The Thick of It est le digne héritier spirituel de ce savoir-faire, illustration de la continuité de cette source d'inspiration. Cette série propose ainsi une vision (et un ton) moderne de ces mêmes coulisses ministérielles.

The Thick of It fait partie de ma dernière fournée (pour limiter les frais de port) de coffrets DVD achetés "en aveugle" sur un site UK. Je connaissais vaguement la fiction de réputation, mais un billet, qui y avait été consacré sur Critictoo fin octobre, m'avait décidée à l'ajouter sur ma pile de séries à découvrir et donc à budgétiser l'investissement. Cette expérience (modérément aventureuse, a priori, le sujet comme le style pouvant difficilement me déplaire, au vu de mes antécédents) s'est révélée très concluante.

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Si la saison 3 a été diffusée au cours de cet automne sur BBC2, les débuts de The Thick of It remontent à 2005. Son profil de diffusion pour le moins curieux mérite une brève explication. Cette comédie s'est ouverte avec deux saisons, composées de trois épisodes chacune, diffusées sur BBC4 à six mois d'intervalle au cours de cette année-là. Il y eut ensuite un hiatus de plus d'une année, pour un retour sous forme d'épisodes spéciaux lors du premier semestre de l'année 2007. En avril 2009, un film In the loop, que l'on pourrait qualifier de sorte de spin-off, est sorti au cinéma (on y retrouve Peter Capaldi qui reprend son rôle emblématique de Malcolm ; mais aussi d'autres figures bien connues des sériephiles, tel James Gandolfini (The Sopranos) - bref, un must-seen du grand écran). Enfin, cet automne a vu la diffusion d'une troisième saison sur BBC2, composée de 8 épisodes. Vous suivez toujours ?

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Cette installation saccadée n'a en rien perturbé la qualité de The Thick of It qui se révèle être une brillante satire politique. Elle nous plonge avec talent dans les coulisses ministérielles des hautes sphères de la politique britannique. Au cours des deux premières saisons, nous suivons plus spécifiquement le ministère des Affaires sociales. A sa tête, Hugh Abbot, caricature pathétique du politicien sans envergure, s'efforce de gérer les secousses médiatiques avec pour seule ambition, la conservation de son poste. Il est entouré d'une équipe de conseillers, cyniques pragmatiques aux capacités d'adaptation à toutes situations sur-développées, mais qui créent souvent plus de crises qu'ils n'en résolvent. Dans cette gestion de leur médiocrité quotidienne, ils doivent régulièrement subir les foudres et assauts verbaux du tout puissant directeur de la communication du 10 Downing Street, Malcolm Tucker. Directement inspiré d'une figure bien réelle, Alastair Campbell, spin-doctor controversé du gouvernement travailliste pendant un temps, Malcolm est le coeur de The Thick of It. Souvent déchaîné, évacuant par des explosions de colère et autres excès un trop plein d'énergie constant, Malcolm gère les diverses situations d'une main de fer, effrayant journalistes comme ministres. Cette satire politique, à travers son exposé de petites tranches de vie quotidienne, prend véritablement toute son ampleur lorsque Malcolm débarque, devenant jubilatoire pour le téléspectateur.

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La richesse de The Thick of It réside dans la noirceur de l'humour dans laquelle elle se complaît. Nous immergeant dans des coulisses où règnent une hypocrisie assumée, servie par des personnages aux compétences discutables parmi lesquels Malcolm surnage, cette satire excelle dans son utilisation d'un ton corrosif à souhait, offrant un visage guère reluisant de ce milieu où la médiocrité semble être maîtresse. C'est une série pleine, qui maintient une forme d'équilibre faussement précaire dans sa narration, exploitant parfaitement son aspect mockumentary. Ses dialogues très vifs, ciselés avec soin et toujours directs, ne sont jamais enjolivés et sonnent ainsi très authentiques ; au milieu des petites piques qui fusent et autres traîtrises, les personnages usent et abusent d'un langage fleuri, où le f* word est intégré à la langue commune comme simple mot de liaison qui permet de traduire tous les sentiments possibles.

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Bilan : Brillamment corrosive, maniant un humour noir savoureux pour le téléspectateur, The Thick of It est une comédie dans la droite ligne des excellents mockumentary britanniques de ces dernières années. Digne héritière d'une tradition ayant réalisé une synthèse admirable entre Yes Minister et The Office (UK), cette série se démarque par une quête constante de réalisme, des dialogues ciselés à l'authenticité éprouvée et une réalisation nerveuse mettant efficacement en scène ce côté pseudo-documentaire.

Certes, j'ai conscience que, aussi enthousiaste que je puisse être à son égard, The Thick of It n'est sans doute pas à mettre en toutes les mains. Il y a peu de chance que ceux qui n'ont pas apprécié le ton de la version originale de The Office (très différente de ce qu'est devenue sa consoeur américaine plus connue) soient conquis par le style de cette comédie extra. Mais, s'il y a parmi vous quelques curieux chez qui cette présentation a éveillé un intérêt, n'hésitez pas ! Ce que j'appelle "saison 1" (techniquement les series 1 et 2, soit les 6 premiers épisodes) est disponible en DVD en Angleterre, avec bonus et VOSTA.


NOTE : 8,5/10


Un petit extrait représentatif, avec Malcolm dans tous ses états et le ministre Abbot, une nouvelle fois dans une situation difficile :